Article d’opinion de Donald Blome, Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique en Tunisie
Lors de mes déplacements en Tunisie au cours des trois dernières années, certaines de mes interactions les plus marquantes ont eu lieu avec des entrepreneurs dont le dynamisme et la passion pour l’innovation constituent un rappel constant de l’énorme potentiel du pays. Ces Tunisiens ne sont pas seulement animés par un désir de réussite personnelle, mais aussi par celui d’un avenir plus prospère pour leurs communautés et leur pays.

De nos jours, les Tunisiens se voient confrontés à un taux de chômage élevé, et un nombre sans cesse croissant de jeunes innovateurs envisagent d’émigrer. Au même moment, l’économie tunisienne doit faire l’objet de réformes substantielles qui ont été bien trop longtemps retardées. Le gouvernement américain est prêt à soutenir ces réformes, conformément à la volonté démocratique du peuple tunisien. Il est essentiel, tout au long de cette période cruciale, que la Tunisie fasse une priorité de son soutien aux entrepreneurs, qui constituent l’un de ses atouts concurrentiels les plus précieux.
Il y a lieu de garder présent à l’esprit que les géants de la Silicon Valley comme Apple, Google et Microsoft n’ont pas connu le succès du jour au lendemain. Ils ont fait leurs débuts avec une petite équipe de jeunes entrepreneurs faisant preuve d’une incroyable ingéniosité et de persévérance, et qui ont été épaulés par un environnement réglementaire propice à l’innovation. Ces petites entreprises se sont transformées au fil du temps en quelques-unes des plus grandes sociétés multinationales. À elles seules, ces trois anciennes startups sont désormais responsables de l’emploi direct de près d’un demi-million de personnes de par le monde. Nul doute qu’il existe des entrepreneurs tunisiens dotés du talent nécessaire pour créer des entreprises et des emplois similaires et ce type d’entrepreneurs je les ai bel et bien rencontrés.
Nombreux sont les jeunes Tunisiens qui font preuve de l’énergie et du dynamisme des pionniers de la Silicon Valley, et il existe dans ce pays déjà les ingrédients nécessaires à la création d’un écosystème entrepreneurial dynamique et inclusif. Les décideurs politiques tunisiens peuvent soutenir le succès des petites et moyennes entreprises sur tout le territoire. Cela a été démontré avec la promulgation de la StartUp Act de 2018 – une avancée considérable qui aide les innovateurs à parcourir le processus compliqué de lancement d’une nouvelle entreprise.
Il y a lieu toutefois de se poser la question: comment la Tunisie peut-elle développer cette base et répondre aux exigences actuelles des entrepreneurs et des propriétaires de petites entreprises ? En premier lieu, la mise en œuvre de réformes économiques qui favorisent la croissance de l’emploi dans le secteur privé – en particulier à l’intérieur du pays – sera essentielle pour la prospérité future de chaque Tunisien. En effet, tout investisseur potentiel lors du lancement de son projet prend en compte le choix de l’emplacement de ses nouvelles activités ainsi que de ses partenariats. Compte tenu du rôle que la Tunisie pourrait jouer en tant que » passerelle vers l’Afrique « , il convient d’agir rapidement pour rester compétitif dans la région.
En second lieu, les entrepreneurs tunisiens doivent jouir de la liberté d’opérer dans le commerce électronique mondial sur un pied d’égalité avec leurs homologues du monde entier. Cela inclut la capacité de payer librement les fournisseurs sans avoir à passer par des procédures administratives coûteuses en temps et en argent. En effet, L’accès aux plateformes mondiales de paiement électronique pour effectuer facilement des achats et, plus important encore, pour être payé par les clients, est indispensable. Par ailleurs, la révision des restrictions du code des changes pour répondre aux besoins de l’environnement commercial mondial permettra d’attirer de nouveaux financements de la part d’investisseurs étrangers qui ont pour habitude d’allouer librement et rapidement des capitaux.
Troisièmement, les entrepreneurs tunisiens, en particulier ceux opérant dans le secteur des technologies, auront de plus en plus besoin d’une infrastructure de technologies de l’information et de la communication (TIC) offrant une solide sécurité des données. Les entrepreneurs ne devraient pas avoir à craindre de perdre la précieuse propriété intellectuelle qu’ils ont mis des années à créer à cause d’une infrastructure TIC non fiable ou de cyberattaques. Les investisseurs étrangers devront également avoir la certitude que les communications et le partage des données avec les partenaires locaux sont sûrs et sécurisés. Les nouvelles politiques de cybersécurité pourraient être conçues de manière à libérer, plutôt qu’à inhiber, les possibilités offertes aux jeunes entreprises technologiques.
Ces dernières années, l’ambassade des États-Unis a intensifié son engagement auprès des entrepreneurs et du gouvernement, et cet engagement est devenu la pierre angulaire de notre assistance économique. Grâce au programme JOBS financé par l’USAID à hauteur de 69,5 millions de dollars, nous apportons notre soutien à plus de 30 000 petites et moyennes entreprises à travers tout le pays afin d’augmenter leurs ventes de 1,5 milliard de DT et créer environ 42 000 nouveaux emplois. En outre, à travers nos projets avec l’Université de Columbia, Deloitte, Endeavor et Open Start-up Tunisia, des milliers de jeunes entrepreneurs auront l’opportunité de bénéficier de l’expérience et du conseil des meilleurs experts américains et tunisiens. Nous œuvrerons à mettre en relation les jeunes entreprises tunisiennes avec des investisseurs en capital-risque basés aux États-Unis, notamment lors du prochain sommet SelectUSA en juin. Et pas plus tard que la semaine dernière, j’ai inauguré un partenariat USAID entre l’Arab Tunisian Bank (ATB) et la Société Américaine de Financement du Développement International portant sur un programme de 35 millions de dollars pour étendre et accélérer les prêts commerciaux aux petites et moyennes entreprises qui n’ont généralement pas accès aux prêts bancaires.
Toutefois davantage d’efforts restent à faire. Le gouvernement américain se tient prêt à renforcer son soutien aux entrepreneurs et aux propriétaires de petites entreprises dans toute la Tunisie. Nous comptons également sur les dirigeants tunisiens pour créer un environnement plus ouvert aux entrepreneurs et pour éliminer les obstacles à la création des emplois dont le pays a besoin. Chaque Tunisien mérite la sécurité économique et la capacité d’atteindre un avenir garantissant une plus grande prospérité. Il nous appartient d’agir sans attendre pour nous assurer que les principaux moteurs de la croissance économique de demain, les entrepreneurs tunisiens, disposent des outils et du cadre réglementaire nécessaires pour concrétiser cette vision.